XIIe / 1140 / Murato– Église Saint-Michel

 

Murato– Église Saint-Michel (mars 2021). Photos © François Fiette.

 

Coordonnées GPS : Altitude (données GPS) : ± 475 m.

42.586026, 9.333253 ou 42°35'09.7"N 9°19'59.7"E

Adresse : San Michèle, 20239 Murato. Inscrite/Classée Monument Historique : Oui.

 

Le site

L’église est située à l’entrée de la commune, sur la D5. 

Elle est parfaitement mise en valeur par le jardin qui l’entoure et qui semble lui laisser « respirer » l’air des montagnes environnantes.

Un petit parking est plus ou moins aménagé de l’autre côté de la route, à l’ombre des arbres. Le stationnement n’est, de toutes façons, pas un problème ici. Les personnes à mobilité réduite peuvent circuler sur le site de l’église et profiter de ses abords. Un panneau résumant l’histoire du monument est situé à l’entrée du jardin de l’église et un autre à l’intérieur.

Quarante mille personnes visitent ce site par an ! La mairie a dû prendre des mesures en 2021 pour que des « rodéos » sauvages ne viennent plus dégrader les alentours…

L’édifice est situé non loin du centre du village, de bars, d’un restaurant, d’une alimentation générale, d’une boulangerie et d’autres commerces de proximité.

 

Un peu d’histoire

Propriété de la commune, l’église protège des vestiges de fresques du XIVe siècle et est classée Monument Historique depuis 1875. Elle est dédiée à Saint-Michel Archange. Ce Saint est fêté par les habitants de Murato le 8 mai et non à la date officielle du 29 septembre. Ceci, pour célébrer les évènements des 5 et 8 mai 492 devant la grotte du Monte Gargano en Italie. En effet, Saint-Michel y serait alors apparu à l’évêque Laurent.

San Michele, d’architecture romane, est l’une des plus belles églises de Corse. Et c’est Prosper Mérimée qui l’écrit ! Pour cette raison elle est très visitée (demandez la clé à la mairie si nécessaire). L’été, elle reste souvent ouverte au public et un bénévole, expert, en assure sur place la visite détaillée si vous le désirez.

Cette église date sans doute de 1140. Elle est reprise en 1280 puis consacrée en 1283.  Son plan est à nef unique, orienté selon un axe est/ouest. Le clocher-porche orne sa façade occidentale et abrite la principale porte d'entrée. Des fenêtres meurtrières et une ouverture en forme de croix grecque diffusent suffisamment de lumière à l'intérieur pour y discerner les restes de fresques et de peintures murales. Les motifs naïfs apposés sur les murs sont étonnants.

Elle est édifiée sous la gouvernance de Pise qui exporte ainsi son savoir-faire et démontre sa puissance aux populations autochtones. Son style pisan bicolore est reconnaissable entre tous. Il fait d'elle un édifice rare et magnifique, tout comme sa supposée simplicité visuelle. L'alternance de pierres blanches et vertes, calcaire de Saint-Florent et chloritite de la rivière du Bevinco (solide et qui se travaille comme du bois), rapproche son style des églises toscanes. Mais sa taille est beaucoup plus modeste.

Pourquoi les alignements de pierres colorées ne sont-ils pas linéaires ? Parce-que leur approvisionnement était aléatoire et qu’il était impossible pour les maîtres artisans de l’époque de réaliser des lignes droites constantes, surtout pour le clocher-porche comme vous pourrez le constater ! Prosper Mérimée dira lui-même en 1839 de cet appareillage de pierres qu’il est « plus étrange qu’il n’est harmonieux ». C’est peut-être justement pour cela que les visiteurs adorent cette église ! Elle mesure environ quinze mètres sur six. Son toit s’élève à huit mètres et le clocher culmine à onze mètres. Une « Arca », disposée sous l’église, a servi jusqu’en 1700. On n’y « entreposait » les morts en les glissants par une petite porte dédiée qui a été obturée lorsque cette pratique fut interdite en 1830 pour des raisons évidentes d’hygiène. 

Précisons que la belle pelouse entourant l’église est en fait… un ancien cimetière.

À l’entrée, on peut remarquer deux petits « bonhommes » sculptés sur la façade, au bout des arcatures. Il s’agit pour l’un de la représentation d’un juge tenant son bâton de commandement, flanqué d’un porc servant au paiement des amendes infligées. Le curé avait en effet le droit de justice. Pour l’autre, un homme tenant ses mains sur ses hanches représentant la volonté du croyant persévérant vers la spiritualité. Différentes sculptures symbolisent des chiens qui sont les gardiens de l’église ainsi qu’une curieuse main qui possède cinq doigts plus un pouce !

En 1490, les peintures intérieures sont exécutées par des artistes itinérants. Elles sont supprimées en 1860 car dégradées, sauf celles au niveau de l’abside qui sont classées en 1908 (l’Annonciation a été restaurée en 2011).

En 1655, les cloches de l’église sont à terre et le toit est à refaire. L’évêque du Nebbio se fâche et somme instamment les habitants de procéder à sa réfection, ce qui est fait.

Le clocher est surélevé en 1855 à la demande de la population qui désire mieux entendre la cloche, ce qui rompt les proportions originelles de l’ensemble. Achile Murati paye seul sur ses propres deniers ces travaux. En 1886 le toit est une nouvelle fois entièrement refait.

En 1969 le linteau de la porte d’entrée principale est foudroyé (ses restes sont exposés à l’intérieur). Une copie est maçonnée en 2012. On peut y voir deux paons parlant aux oreilles d’un homme qui les tient par les pattes.

C’est l’allégorie des yeux des paons qui surveillent la porte du sanctuaire et de la parole divine qui est fortement adressée aux hommes.

Plusieurs autres sculptures naïves décorent l’extérieur de l’église et retracent le symbolisme de l’époque. La croix de Pise est incrustée dans la pierre afin d’y laisser l’empreinte des constructeurs pisans.

Récemment, un orifice a été découvert dans la cloche à l’occasion de travaux d’entretien. Certainement causé par une arme lors de la Deuxième Guerre Mondiale. Selon les dires d’un ancien habitant de Murato ayant combattu lors de ce conflit dans le « Special Air Service », les forces spéciales britanniques, le clocher aurait essuyé des tirs pour déloger un snipper. D’où cet orifice dans la cloche. 

 

Pour plus de précisions concernant les Arcas, voir la page "XVIIIe / 2A – Zévaco – Ancienne chapelle à Arca".