Théodore 1er, roi des Corses

 

1736 / Théodore de Neuhoff, roi des Corses

Le gentilhomme allemand Théodore de Neuhoff, venu encourager les révoltés en leur apportant 3000 fusils et des canons (à la condition qu’il soit sacré roi), devient l’unique roi des Corses librement choisi par la population le 15 avril 1736. Il proclame l’indépendance de l’Île… pour sept mois seulement. Il bat monnaie, déclare l’éducation comme primordiale et fait exécuter les notables qui ne filent pas droit.

C’est un aventurier (et accessoirement un agent travaillant pour les Anglais) comme il en existe à cette époque parmi les nobles allemands. Il se prétend aidé en sa nouvelle tâche par une grande puissance, ce qui est faux. Il crée un État véritable et l’organise, mais l’argent et les armes lui manquent malgré les subsides qu’il reçoit de financiers hollandais qui lorgnent sur l’agriculture corse.

Gênes est affaiblie et les révoltes populaires sont de plus en plus sanglantes. En 1737, de rage, les Génois en viennent à massacrer femmes et enfants à Aléria. Théodore 1er prône une intervention anglaise ou piémontaise, en vain. Il aide les Corses en obligeant les Génois à d’énormes dépenses pour maintenir leur préséance dans l’Île, les affaiblissants ainsi encore d’avantage.

Les Français, alors payés par les Génois pour faire régner l’ordre en Corse poussent Théodore 1er à rester éloigné de l’île.

Il tente bien un retour en 1743, discrètement aidé par les Britanniques, mais son bateau espagnol est coulé devant Ajaccio par… les Anglais ! De quoi perdre définitivement le moral.

Ruiné et lâché, il en arrive à donner en gage son royaume déchut à ses créanciers et meurt à Londres au fond de l’échoppe d’un ami avant d’être inhumé en fosse commune. Son épitaphe obligeamment ironique, due à Horace Walpole (4ᵉ comte d'Orford, esthète et écrivain britannique), dit tout :

« Près d’ici est enterré Théodore, roi de Corse, qui mourut dans cette paroisse le 11 décembre 1756 immédiatement après avoir quitté la Prison de King’s Bench par le bénéfice du fait d’insolvabilité, en conséquence de quoi il enregistra son royaume de Corse pour l’usage de ses créanciers. Le tombeau, ce grand maître, met au même niveau Héros et mendiants, galériens et rois : Mais Théodore fut instruit de cette morale avant que d’être mort. Le destin prodigua ses leçons sur sa tête vivante. Il lui accorda un royaume et lui refusa du pain ».

 

Théodore de Neuhoff, Photographie auteur inconnu. Libre de droit.

1737 / 12 juillet / Convention franco-génoise à Versailles

▪ Une convention est signée à Versailles qui engage la France à l’envoi pour le compte de Gênes de troupes françaises en Corse afin que les Génois conservent la mainmise sur l’Île. Trois mille soldats français débarquent à Bastia le 8 février 1738 avec à leur tête le comte Louis de Boissieux (mort en 1739 à Bastia) puis le marquis Jean-Baptiste de Maillebois.

▪ La série « VH » des Archives de Vincennes permet de savoir que l’armée française connaissait alors parfaitement la Corse contrairement à Gênes qui ne possédait aucune carte actualisée (celles en sa possession étaient même fausses).

 

1738 / 13 décembre / Défaite des Français à Borgo

La Royauté française se sent humiliée plus que vaincue car elle n’a perdu que peu d’hommes dans cette bataille et n’est pas affaiblie. Le marquis de Maillebois dirige par la suite les renforts dépêchés en Corse. Une autre défaite, beaucoup plus lourde, attend les Français à Borgo en 1768.

 

1739 / De nombreux Corses rebellés rendent les armes

Le comte de Boissieux (décédé cette même année) puis le marquis de Maillebois cantonnent des troupes françaises en Corse. Louis XV crée le Régiment Royal Corse. Une grande quantité d'armes est remise par des Corses entre les mains des officiers français que le marquis de Maillebois a spécialement dépêchés à cet effet. Les dirigeants corses sont contraints à l’exil. Pascal Paoli, alors âgé de 14 ans, quitte l’Île avec son père à destination de Naples où un régiment corse doit être levé.

 

1740-1748 / Guerre de succession d’Autriche

L’Autriche alliée à l’Angleterre s’oppose à la France, alliée elle-même à la Prusse et à l’Espagne. Gênes se rattache à la France lors de ce conflit. Les troupes françaises sont envoyées en Italie pour y combattre, ce qui libère quelques temps les insulaires de leur emprise. Des affrontements insupportables entre factions corses font alors rage.

Jean-Pierre Gaffory, médecin et général indépendantiste corse, Général de la Nation avant Pascal Paoli, arrive à fédérer derrière lui. Il prend les rênes du pouvoir côté Corses et en devient le chef de l’exécutif.

 

1745 / Les Anglo-Sardes s’emparent de Bastia

Gênes refuse de céder Bastia. Les Anglo-Sardes assiègent Bastia qui capitule, bombardée par des navires anglais aidant Dominique Rivarola qui agit pour le compte du roi du Piémont-Sardaigne. Les notables de la ville se rallient à Rivarola mais en le considérant comme un agent de l’extérieur. Gaffory parvient tout de même à entrer dans Bastia.

 

1746 / Les Bastiais et les Cap-Corsins se révoltent

Ils renversent le « pouvoir » de Dominique Rivarola qui n’a pu s’établir réellement et qui n’a produit que des affrontements entre ses troupes et celles de Gaffory, ainsi que des pillages.

 

1748 / Retour des Français

Nouvelle intervention française qui rebat les cartes en Corse, calme le jeu entre factions, et assure le maintien de la Corse dans le giron de Gênes (n’oublions pas que la France est payée pour cela par la République de Gênes). C’est acté lors de la signature du traité d’Aix-la-Chapelle qui met fin à la guerre de succession d’Autriche. Les troupes françaises restent en Corse sous le commandement du marquis Nicolas de Cursay (de 1748 à 1752) qui est en contact étroit avec Gaffory, sans réellement en référer à Gênes. Le marquis fait construire des routes et légifère ! Cursay agit en électron libre et en gouverneur plus qu’en soldat. Il tente de s’accorder avec les notables corses, qui demeurent à simuler la confiance, sans avoir été missionné pour ce faire. Il devient mécène en faisant renaitre « l’Académie des Belles Lettres » de Bastia. Le marquis en arrive à troubler économiquement et culturellement la politique française et génoise. Afin de conserver son entière souveraineté sur l’île, Gênes réagit et obtient la destitution de Cursay qui est emprisonné durant quelques mois au fort d’Antibes sur ordre de Louis XV.

 

1753 / 2 octobre / Assassinat de Jean-Pierre Gaffory

Jean-Pierre Gaffory, médecin et l’un des chefs de la révolution corse, dépeint comme courageux mais autoritaire et affairiste est assassiné à l’âge de 49 ans. Peut-être par un membre de sa famille et plus certainement par des privés pro-génois, les Romei, avec lesquels il avait un différend concernant des terrains. Des éléments historiques tendent à désigner un agent génois comme commanditaire de cet assassinat. Il s’agirait de Giovanni Giacomo Grimaldi, futur doge de Gênes de 1756 à 1758.

 

1754 / 23 août. Naissance de Louis XVI

Futur roi de France et de Navarre.