Gouvernance génoise (environ 5 siècles !)

 

Gênes emporte la Corse et la gère à sa façon. Elle présente son emprise sur l’Île comme légitime par l’éviction des Musulmans, arguant d’une sorte de « Droit de Conquête ». Ports, citadelles et tours littorales y sont construits pour défendre la population et les intérêts génois. La noblesse médiévale corse parait toujours turbulente, anarchique et désunie. Elle ruine son pays et est prête à le vendre au plus offrant, « ne sachant ni se passer de maîtres, ni leur obéir » (R. P. de Singlande, « Mémoires et Voyages »). Gênes, république « aristocratique » alliant anciens et nouveaux nobles, doit constamment réguler la noblesse ilienne sanglante, fatiguée de ses crimes internes. Les fonctionnaires Génois ne font bien souvent que monnayer leurs services, ce qui accroit le ressentiment de la population.

Au XVIème siècle, la métallurgie corse connait une expansion notable grâce au minerai de fer local (Cap-Corse principalement) et en provenance de l’Île d’Elbe, mais également grâce aux denses forets corses fournissant le charbon de bois nécessaire et à l’abondante présence de l’eau. Cet élan métallurgique s’éteindra avec la grande crise économique de la fin du XIXème siècle et faute de matière première exploitable.

 

1268 / Gênes fonde Calvi

Bastion qui deviendra une des villes les plus importantes de Corse à travers les siècles.

 

1284 / Pise perd son emprise

Pise perd la majorité de son emprise au profit de Gênes lors de la bataille navale de la Meloria (haut-fond rocheux au large de Livourne) en 1284. Peu à peu, les Génois s’approprient l’Île et en 1310, Pise signe un traité avec Gênes qui devient ainsi la nouvelle maîtresse de la Corse. Mais la paix reste fragile. De nos jours, cinq siècles d’occupation génoise s’emblent encore d’actualité à travers la présence des tours de guet bordant les rivages. Bastia, Saint-Florent, Calvi, Ajaccio, Porto-Vecchio sont des villes Génoises.

 

1296 / Le pape Boniface VIII donne la Corse à l’Aragon

La maison d’Aragon (Espagne) reçoit la Corse et la Sardaigne.

 

1317 / Le roi d’Aragon devient roi de Corse

Et prépare une expédition d’occupation en Corse en 1324, qui avortera.

 

1332 / Arrêtez de tuer vos sujets !

Le pape d’Avignon Jean XXII exhorte, à travers la rédaction d’une bulle, les nobles corses à ne plus tuer et maltraiter leurs sujets…

 

1348-1352 / Peste Noire

Apparition de la peste noire. Un tiers de la population corse disparait ! Un bateau Génois l’aurait apportée. C’est la version courte. En réalité… c’est un peu plus compliqué. La peste réapparaît en 1320 en Mongolie et voyage jusqu’à la mer Noire que sillonnent des bateaux génois. La ville de Caffa (Crimée) est assiégée par les Mongols qui jettent par-dessus les murailles des cadavres infectés. Des Génois parviennent à fuir, emportant avec eux la terrible maladie. La Corse est touchée un mois plus tard. Trente millions de morts en Europe. Elle prend fin au Portugal. 

 

1354-1359 / L’évêque d’Aléria condamne les Giovannali

C’est un petit groupe d’hommes et de femmes (une centaine) principalement issus du village de Carbini prônant, dans la chrétienté, le don de soi, le rejet du luxe, la mise en commun des richesses villageoises et surtout le rejet de la hiérarchie ecclésiastique. Ils la trouvent, dit-on, trop éloignée de l’Évangile. Le mouvement aurait été importé du sud-est de la France ou par les Fraticelli italiens, excommuniés par le pape Boniface VIII. Le pape Innocent VI déclare les Giovannali « hérétiques ». Ils sont exterminés (hommes, femmes et… enfants en 1359), sauf une femme prénommée Annunziata. Reprise, elle est brûlée vive à Pâques…

 

1358 / Jacquerie la plus importante de France

C’est la révolte paysanne la plus terrible de l’histoire de France (Etienne Marcel). Misère, pillages incessants des soudards et surcharge d’imposition en sont peut-être les déclencheurs. De nombreuses demeures seigneuriales sont brûlées. La révolte est mâtée dans le sang. On dénombre des dizaines de milliers de victimes. Les arbres craquent sous le nombre des pendus. Le roi de France Jean II Le Bon est alors prisonnier des Anglais qui exigent rançon. Une révolte populaire agit au même moment en Corse, dirigée par Sambucuccio d’Alando contre les seigneurs. Les châteaux sont détruits, sauf ceux du Cap Corse, de Calvi et de Bonifacio. Les seigneurs Corses doivent prendre la fuite et même l’exil. Ils récupèrent rapidement leurs biens en 1363.

 

1358 / la Corse se donne contractuellement à Gênes

À la suite des accords passés entre les Corses et les Génois. C’est la conséquence directe des révoltes populaires menées par Sambucuccio d’Alando contre les seigneurs vassaux du roi d'Aragon. Gênes s’impose alors en Corse, contrant ainsi les objectifs papaux qui soutiennent Pise.

 

1372 / Les Génois sont chassés de Biguglia

Biguglia est alors la capitale de la Corse (depuis la domination pisane et ensuite génoise). Une révolte des Corses chasse les Génois de Biguglia qui s’installent alors à Bastia.

 

1378 / Fondation de la ville de Bastia

La construction de sa citadelle signe la naissance de Bastia. La Corse est alors gérée économiquement par une compagnie privée de notables Génois, la « Maona ». C’est Leonello Lomellini, un de ces puissants personnages, qui fait construire le donjon (une simple tour à l’origine) et les premiers remparts du « Bastion » qui deviendront Bastia par la suite.

 

1405 à 1434 / Tentative du roi d'Aragon

Tentative de la part du roi d'Aragon (Espagne) de reprendre la Corse aux Génois. Déjà roi de Sardaigne il devient roi de Corse, pour quelques temps. La ville de Biguglia devient la capitale. Le corse Vincentello d’Istria combat pour lui.

Palazzo San Giorgio (Gênes). Photo Jensens, licence libre Creative Commons.

1407 / Création de l’Office de Saint-Georges

Son nom officiel est “Casa delle Compere di San Giorgio”.

Ce n’est ni plus ni moins qu’une puissante institution financière de Gênes, institution qui va « gérer » la Corse durant de nombreuses décennies à partir de 1453. C’est également une des plus anciennes banques du monde.

Ses omnipotents oligarques ont une grande influence sur Gênes mais également sur les rois catholiques d’Europe qui y ont comptes ouverts au XVe et XVIe siècle (Charles Quint y possède une ardoise « salée » durant tout son règne). Même Christophe Colomb émarge à l’Office de Saint-Georges ! Au XVIIe siècle, l’Office se pique de transport maritime et arrive à rivaliser avec les meilleures compagnies de l’époque.

1419 / Création de la ville de Corte

Vincentello d'Istria, allié des Aragonais et nommé Vice-roi de Corse un an plus tard, érige le château de Corte.

 

1420 / Résistance bonifacienne

▪ L’emplacement stratégique de Bonifacio aiguise les passions. Alphonse V, roi d’Aragon et de Sicile, veut s’emparer de la ville afin de supplanter les Génois. Il lance 400 vaisseaux afin de s’emparer de la Corse, secondé par Vincentello d’Istria. Un siège de deux mois, théâtre de combats terribles, voit la victoire des bonifaciens qui ont résistés avec l’appui d’une flotte génoise arrivée en renfort au dernier moment. Mais Calvi, Bastia et Ajaccio tombent. Calvi se soulève et redevient génoise. Le roi d’Aragon lève alors le camp et laisse l’île aux mains de Vincentello d’Istria, nommé vice-roi.

▪ Vincentello d’Istria augmente les impôts en 1433. Le peuple se révolte. Il tente alors vainement de fuir vers la Sicile mais est arraisonné et décapité à Gênes en 1434 lorsque les Génois retrouvent la souveraineté sur l'île. Gageons que ses « Doits de la Défense » n’ont peut-être pas été respectés… C’est la fin de l’épisode aragonais en Corse. 

 

1440 / Création de la Citadelle de Saint-Florent

Par Giano Fregoso, issu d’une famille ayant donné plusieurs doges à Gênes.

 

1445-1447 / La Corse terre pontificale

Plusieurs centaines de soldats du pape Eugène IV affrontent sur l’Île ceux de Gênes et tentent d’y lever des impôts. Les Corses restent neutres. Cet intermède n’aide en rien à la gouvernance de la Corse empêtrée dans des guerres fratricides et intestines impliquant des seigneurs locaux. La papauté désire, entre-autre, mettre un terme à l’anarchie régnante. La Corse devient alors terre pontificale pour quelques temps (et l’est toujours pour certains historiens en vertu de la donation de Charlemagne, définitive en 774 ! Les papes successifs n’ont jamais renoncé à la terre de Corse. Ils énoncent d’ailleurs chaque Jeudi Saint une excommunication contre tous ceux « qui s'approprieraient indûment l'île de Corse »). Seuls les présides de Calvi et de Bonifacio restent des enclaves génoises. Le nouveau pape Nicolas V, ne souhaitant pas poursuivre dans cette voie, s’entend avec les Génois qui recouvrent ainsi la souveraineté de l’Île. Ils ont fort à faire avec les Corses, les Turcs et le roi d’Aragon qui continue à délivrer des lettres de noblesse à ceux qui se rallient à lui, plus une épidémie qui ravage l’Île !

 

1453 / 29 mai / Prise de Constantinople par les Turcs

L’histoire occidentale bascule ce jour-là. Constantinople fait en effet rempart pour la chrétienté face à l'islam. La ville n’est plus qu’un comptoir marchand seulement défendu par 7000 soldats grecs et 700 Génois. Mais le commerce, même intense, n’a jamais préservé les états à lui seul. Les Ottomans du sultan Mehmed II ont débuté le siège de la cité avec… 150000 hommes.

L’empereur grec Constantin XI meurt les armes à la main. 25000 habitants sont réduits à l’esclavage après viols et pillages. Constantinople devient Istamboul. Gênes recentre son commerce sur l’Occident.

 

Sultan Mehmed II - Illustration Konstantin Kapıdağlı.

Licence libre Creative Commons. Domaine Public.

 

1453 / L’Office de Saint-Georges gère la Corse

▪ À la demande de Gênes, l’Office de Saint-Georges, une très puissante institution financière génoise (voir 1407 en supra), est chargée de gérer administrativement et financièrement la Corse « contre les tyrans très cruels et les hommes pervers ». Du moins, c’est ainsi qu’elle s’était auparavant présentée et a fonctionné les premières années avec l’adhésion de la plupart des Corses. Mais les seigneurs locaux, qui n’entendent pas partager leur pourvoir, fomentent des révoltes et éloignent l’Office qui détruit leurs châteaux en représailles. En 1483, L’Office revient mais pas dans le même état d’esprit… Terminée la « gestion ». Il agit alors en colonisateur violent. Hommes, femmes et enfants sont tués s’ils font partie d’une famille récalcitrante, les prêtres également. Le Niolo est durement frappé par les armées de l’Office de Saint-Georges. Les habitations sont détruites. Pour étouffer toute velléité de contestation il est dès lors interdit de séjourner en ces lieux.

▪ Le commerce est entièrement aux mains de l’Office de Saint-Georges. Corail, sel, produits de la mer, blé sont pour Gênes. Les Corses participent peu aux échanges. En revanche, ils sont présents dans la domesticité des familles fortunées de Rome... Des terres sont distribuées aux Génois.

▪ L’Île n’est pas qu’un revenu pour Gênes, elle a aussi un coût que les Génois mettent en balance avec la position hautement stratégique de la Corse dans la Méditerranée.

▪ L’administration de l’Office de Saint-Georges utilise le même personnel que le Sénat génois en Corse. C’est une administration minimale qui ne s’occupe que de l’essentiel. Une infime partie de la vie des notables génois sur l’Île y est consacrée. Ils sont élus ou désignés, sans formations idoines et n’acquièrent sur place aucune compétence. Une forte amende leur est infligée s’ils refusent leurs postes. C’est une administration de type « gestion privée » (même la justice) qui s’appuie totalement sur un système militaro-fiscal très efficace.

 

1464 à 1479 / Éphémère et chimérique domination milanaise 

Décidément tout le monde s’y met ! …

 

1466 / Les razzias sarrasines perdurent

Les raids des Sarrazins se succèdent sur le littoral Corse, semant la mort et la désolation. Des centaines puis des milliers de Corses sont faits esclaves. Au cours des siècles, l’esclavage s’est malheureusement exercé sur tous les continents (« esclaves » vient du mot « slaves », peuples européens qui ont été réduit à cet état durant le haut Moyen Âge par les Germains et les Byzantins).

 

1492 / 12 octobre / Découverte de l’Amérique par Christophe Colomb (peut-être né à Calvi !)

En débarquant aux Bahamas, sous pavillon espagnol.

 

1492 / Fondation de la ville d’Ajaccio

Édification de la ville d’Ajaccio et de « U Castellu », sa future citadelle, par les Génois qui veulent asseoir leur domination au sud de l’Île. Le choix de l’emplacement fait l’objet de nombreuses délibérations. Ajaccio est alors interdite aux Corses, sauf pour des raisons commerciales. Ils ne peuvent y demeurer. La ville se développe rapidement.

 

1493 / Recrudescence de la peste !

▪ La peste fait de nouveau des ravages.

▪ Les Génois détruisent les châteaux des comtes de Corse et fixent le pouvoir à Ajaccio.

 

1498 / Naissance de Sampiero Corso

Sampiero Corso lutte en Corse au service de la France et de son roi Henri II contre Gênes. Une brève biographie de cet homme illustre est incluse dans cette chronologie, à « 1553 à 1559 / « Guerre des Français » (la vie de ce personnage hors norme est passionnante).

 

1503 / Le Niolo est ravagé

Le Niolo (Centre-Corse) est de nouveau ravagé par les Génois. Les Niolins sont chassés de leurs terres, leurs maisons rasées et les arbres arrachés ! Ils ne reviendront qu’une trentaine d’années plus tard.

 

1507 à 1540 / Razzia turques

Les razzias turques incessantes affolent la population. Barberousse (renégat grec) et le cruel Dragut s’illustrent dans la barbarie, les enlèvements et l’esclavage. Les rois d’Alger deviennent les vassaux des Turcs en 1518. Dès 1512, les Génois construisent 120 tours le long du littoral de l’île pour lutter contre les Barbaresques[1]. Bon nombre de celles-ci sont payées par les insulaires ! Beaucoup d’entre-elles tiennent encore debout de nos jours malgré les vicissitudes guerrières qu’elles ont connues.

[1] Barbaresques : Les Sarrazins deviennent les Barbaresques à partir de 1516. Le terme englobe aussi bien les terres d’Afrique du Nord que leurs habitants.

 

1528 / Deuxième grosse épidémie de peste

Elle tue 2 habitants sur 3 à Calvi ! Seuls 800 survivent à Bonifacio sur environ 3000. On confine les pestiférés chez eux. Un bateau en provenance d’Italie est vraisemblablement le vecteur de cette terrible maladie.

 

1528 / Fondation de la République de Gênes

Destinée à devenir un état fermement gestionnaire de ses territoires.

 

1539 / Fondation de la ville de Porto-Vecchio

Par les Génois.

 

1541 / L’empereur Charles Quint à Bonifacio

L’empereur Charles Quint fait un bref passage à Bonifacio lors d’une navigation vers Alger pour se protéger d’une tempête ou pour faire provision de vivres et de poudre. Les faits historiques précis ne sont pas encore totalement connus. Il se dirige alors avec sa flotte vers les côtes Nord-Africaines (ou en revient, les historiens en débattent encore) dans le cadre d’une expédition punitive contre les Barbaresques, qui se solde par la déroute des troupes de l’empereur. L’immeuble dans lequel il a séjourné est cité dans cet ouvrage (XVIe / 1541 / Bonifacio – Citadelle - Maison dite de Charles-Quint).

 

1544 / Calvi devient capitale de la Corse

Elle remplace Bastia dans ce rôle. Le gouverneur génois y prend un temps ses quartiers.

 

1551 / Guerres d’Italie. Édification de la ville de Sartène.

▪ Gênes affronte la France. Naples et Milan sont revendiqués en héritage par les rois de France.

▪ Sartène est créée afin de regrouper plusieurs villages et leur apporter ainsi plus de sécurité contre les incursions turques.

 

1553 à 1559 / Guerre dite des Français 

Sampiero Corso, redoutable guerrier corse au service du roi François 1er alors en guerre contre l’empereur Charles-Quint, obtient que la Corse devienne française. Français et Turcs sont alors alliés contre Gênes qui est soutenue par l’Espagne et l’empereur. 85 galères françaises et turques débarquent sur l’Île, menées par le corsaire turc Dragut et le maréchal de Termes, français. La ville de Bastia est mise à sac pour la première fois en 1553, la population bastiaise elle-même en étant largement responsable car elle a ouvert les portes de la ville. Celle-ci redevient génoise la même année après être passée un moment sous maîtrise française. Bonifacio capitule après avoir été assiégée et est restituée aux Génois en 1559. Calvi est assiégée mais résiste (il faut préciser que les Turcs n’étaient pas réellement motivés par la prise de Calvi car le pillage de cette cité leur était interdit…). 

La bravoure de Sampiero Corso et sa maîtrise des armes lui font obtenir le grade de Colonel. Il sauve la vie du futur roi Henri II lors de combats à Perpignan. Durant les guerres d’Italie il se bat aux côtés du Chevalier Bayard ! Il libère de l’emprise génoise Bastia, Calvi, Corte et Ajaccio.

Sa lancée est stoppée par la signature du Traité de Cateau-Cambresis en 1559, entre le roi de France Henri II et le roi d'Espagne Philippe II, visant à mettre fin aux guerres d'Italie. Henri II donne sa fille Elisabeth en mariage à Philippe II. La France perd la Corse et la Savoie mais conserve la Picardie et Calais. Dès 1559, plus aucun soldat français ne sillonne les chemins de Corse.

En 1564, Sampiero Corso revient et poursuit seul « sa » guerre (peut-être avec l’accord de la France et en particulier celle de Catherine de Médicis, mais sans son aide) et épuise ses ressources, personne n’y subvenant. Il parvient à nouveau à repousser les Génois un certain temps. Il vend ses vêtements et ses effets personnels pour financer un voyage jusqu’à Soliman le Grand Turc auprès de qui il sollicite de l’aide, non sans avoir déjoué les approches meurtrières d’espions génois mandatés pour le tuer.

Il écrit : « … quand bien même je verrais les événements venir au point où il n’y a plus d’espoir, avec ou sans appui, je suis résolu à vivre et mourir dans cette île, à son service, avec ceux qui voudront me suivre, et si je ne puis faire autrement, je me retirerai dans ces montagnes pour y rester et, de là, faire une telle guerre à l’ennemi, que, moi vivant, il ne la possèdera jamais en paix ».

Sampiero Corso a une approche patriotique de la Corse. Il se bat pour elle et pour les Corses, pas pour sa gloire ou son profit personnel, ce qui est nouveau dans le paysage politique de l’époque et fait de lui un personnage singulier.

 

Sampiero Corso (Santa Maria Siché, avril 2023).

Photo © François Fiette.

 

Le roi d’Espagne vole une nouvelle fois au secours de Gênes. Sampiero Corso et ses armées est quasi-maître de la Corse. S’en suit une guerre sans merci avec ses cortèges d’horreurs, de trahisons et de complots. On brûle et on tue les habitants des villages qui se révoltent. On massacre les garnisons génoises comme à Sartène en 1565.

En 1567 Sampiero Corso est tué par sa belle-famille qui l’accuse d’avoir tué son épouse de 32 ans sa cadette Vanina d’Ornano (il l’a effectivement étranglée en 1563).

En effet celle-ci est passée du côté de Gênes en suivant Gabriele un artiste génois, ancien ami d’enfance, devenu précepteur de ses enfants. Un espion génois (l’abbé Ombrone) pilote tout ceci dans l’ombre. Vanina s’enfuie par la mer avec son amant en 1563 en emportant la moitié de la fortune de son mari ! Osé, n’est-ce pas ? Sampiero fait arraisonner le bateau des tourtereaux. Vanina est condamnée à mort par étranglement, sentence exécutée par Sampiero lui-même à la demande de Vanina !

Les assassins de Sampiero Corso touchent une prime pour cet homicide. Le corps du guerrier est démembré et exposé sur les murs de la citadelle d’Ajaccio. Ses restes son immédiatement récupérés par des Corses à la nuit tombée. Il reste le symbole de la résistance du peuple corse car il a combattu vaillamment toute sa vie pour la liberté de son Île, les Corses en devenant ainsi les maîtres presque incontestés. Ils seront traités en vaincus durant les siècles suivants. À contrario, certains historiens tels Michel Vergé-Franceschi avancent l’idée étayée qu’ils choisiront leurs « partenaires » envahisseurs parmi les plus offrants politiquement.

Gênes gouverne ensuite la Corse sans plus craindre un tel opposant. Son fils, Alphonse II d’Ornano tente de poursuivre le conflit mais n’y parvient pas et quitte l’Île en 1569 avec trois cents de ses partisans, mettant définitivement fin à cette lourde et meurtrière guérilla.

Shakespeare se serait inspiré de l’histoire de Sampiero Corso pour donner corps à son œuvre « Othello ». Prospère Mérimée écrit de lui dans « Notes d'un voyage en Corse » qu’il était un « combattant presque seul pour l’indépendance de sa Patrie ; héros sauvage comme elle, mais toujours fidèle à la plus sainte des causes ».

 

1553 / Construction de la citadelle d’Ajaccio

▪ Paul de La Barthe de Termes, noble sans fortune mais militaire de valeur au service du roi de France Henri II, ordonne la construction de la citadelle d’Ajaccio après avoir pris la ville… et la Corse entière. Il a auparavant connu deux ans la captivité dans les pays d’Afrique du Nord avant d’être racheté par sa famille. La vie n’est facile pour personne à cette époque !

▪ La même année, Paul de Termes charge l’ancien corsaire Dragut, maintenant amiral de la flotte turque, d’assiéger Bonifacio. Il emploi également des compagnies de Corses et de Français. Malgré une résistance acharnée, Bonifacio tombe après avoir subi l’impact de 5700 boulets de canon. La garnison génoise est massacrée par les Turcs (seuls 34 soldats sur 200 parviennent à échapper à la boucherie).

▪ Ces batailles interviennent alors qu’Henri II est en lutte avec Charles Quint allié à Gênes.

 

1559 / La Corse redevient génoise, restituée par la France.

Par la signature du Traité de Cateau-Cambresis entre le roi de France Henri II et le roi d'Espagne Philippe II mettant fin aux guerres d'Italie. La France conserve ainsi la place forte de Calais mais perd la Corse et la Savoie. Sampiero Corso poursuivra seul la guerre contre les Génois jusqu’à son assassinat en 1567.

 

1563 / L’Office de Saint-Georges transfert la Corse à Gênes.

 

1571 / Amnistie générale

Georges Doria, gouverneur génois, accorde une amnistie générale et rédige les « Statuts civils et criminels de la Corse ». Une période de calme relatif intervient en Corse. Les notables iliens se voient refuser les postes clés du pouvoir génois mais sont acceptés aux postes subalternes. Ils adaptent à leur façon, très localement, les lois génoises et remplacent ainsi les fonctionnaires que Gênes ne peut ou ne veut entretenir. Les « vendette », vengeances mortelles personnelles très nombreuses, sont en baisse car le clergé parvient à instiller peu à peu le pardon (difficile mission…). Mais les bandits pullulent. Ce sont souvent d’anciens militaires démobilisés.

 

1571 / Bataille de Lépante

La Sainte Ligue, créée en 1571 et regroupant plusieurs états catholiques méditerranéens est en guerre avec les Turcs. Elle remporte la bataille de Lépante au large de la Grèce. Au sein des troupes vénitiennes, de nombreux mercenaires corses prennent part à cette bataille. La pression turque sur les populations méditerranéennes commence alors à diminuer.

 

1580 / La peste

Elle ravage de nouveau la Corse…

 

1583 / L’Algajola et Sartène sont mises à sac

Razzia importante des Barbaresques. Les populations sont contraintes à l’esclavage.

 

1615 / Jacquerie sanglante au Sud

Fièvre dévastatrice des vassaux du sud de l’île et de la population qui refusent de payer les charges fiscales féodales à leurs seigneurs intransigeants. Les finances et le pouvoir de ceux-ci ont été auparavant fortement amoindris par Gênes. Ils ne protègent plus des attaques ennemies. Les seigneurs n’ont d’ailleurs plus de châteaux mais de simples maisons-fortes. Des massacres sont perpétrés. Douze membres de la famille des seigneurs de Bozzi sont assassinés à Campo dans le Sud de la Corse. C’est la fin d’une noblesse féodale déjà moribonde. Gênes, qui n’arrive pas à décider si elle doit défendre ou se défaire une bonne fois pour toutes des seigneurs locaux, envoie deux mille hommes pour rétablir l’ordre. Une centaine de personnes sont arrêtées et plusieurs pendues.

Sur toute l’Île surnagent alors deux classes sociales distinctes. Les notables de l’intérieur et les commerçants bourgeois du littoral. L’enseignement progresse, grâce en particulier aux Jésuites proches de Gênes. Des Corses cultivés émergent et prennent de l’ascendant sur leurs contemporains.

 

1637 / Augmentation des droits payés sur le sel

Cette augmentation sert à financer les dernières constructions ou restructurations de tours littorales visant à prévenir des périls guerriers maritimes. La population paie sa sécurité, et pas seulement en Corse qui compte alors une centaine de tours. Le royaume de Naples s’est doté de 340 tours et la Sicile de 140. 90 pour la Sardaigne.

 

1650 / Grande razzia barbaresque

Le village d’Olmeto est anéanti par les Barbaresques. C’est l’une de leurs dernières grandes attaques. Le rachat des captifs est toujours une ressource importante pour les corsaires ottomans. Les assauts turcs s’amoindriront par la suite grâce aux actions des marines européennes.

 

1659 / Bastia redevient la capitale de la Corse

Calvi semble « inexpugnable », mais Bastia est la plus peuplée ! Le gouverneur génois et son gouvernement y sont transférés.

 

1662 / Les gardes Corses du pape sont remplacés par des Suisses

À la suite d’une violente rixe entre les Gardes Corses et les serviteurs de l’ambassadeur de France à Rome, survenue le 20 août 1662. Ces derniers auraient insulté les Gardes Corses… Des coups de feu sont tirés sur le carrosse de l’ambassadeur, le duc Charles III de Créquy, faisant plusieurs morts et blessés. Cette affaire entraine une quasi-rupture diplomatique entre le pape Alexandre VII et le royaume de France qui menace d’envahir Avignon, la cité des Papes ! 

 Stèle sur les lieux de l’attentat. Photographie auteur inconnu. Bibliothèque du Palais de la Paix. La Haye. Domaine Public.

La reine Christine de Suède, proche du Vatican, tente une médiation entre le Saint-Siège et la France en proposant que quelques Corses soient exécutés « pour l’exemple », puis se ravise par la suite. Louis XIV lui demande respectueusement de s’occuper de ses affaires !

L’épisode qui prend fin en 1664 lorsque le cardinal Chigi, contraint et forcé, vient s'excuser publiquement devant Louis XIV. Une stèle est construite sur les lieux de l’attentat (détruite quatre ans plus tard) supportant une inscription en latin stipulant que la nation corse est « inapte et incapable de servir le siège apostolique ». Les Gardes Suisses remplacent les Gardes Corses mais leurs officiers s’engagent au service de la France. Ils passent du Pape au Roi.

 

1665 / Grande peste européenne

Elle s’est propagée deux fois plus vite que la peste noire de 1348. Le climat, la structure sociale, la densité de population ou encore l’environnement ont influencé la vitesse de contamination.

 

1668 / Naissance de Luigi Giafferi

Luigi Giafferi. Document Domaine Public.

C’est l’un des personnages les plus importants de l’histoire de la Corse, malheureusement trop peu valorisé. Luigi Giafferi (1668-1748), issu d’une famille de notables, entre au service de la République de Venise en 1694 avec le grade de capitaine. Puis il rentre ensuite en Corse où il est élu général de la Nation en 1729 lors de la révolte contre Gênes. Le projet est de mettre la Corse sous la protection de la couronne d’Espagne mais la fin de la guerre de succession de Pologne anéantit cette espérance. Il participe activement ensuite à la seconde insurrection amenant la proclamation du royaume indépendant de Corse en 1733 et est installé au conseil de régence du royaume ayant pour roi élu Théodore de Neuhoff.

Luigi Giafferi. Document auteur inconnu. Domaine Public.

Les rivalités internes et l’absence de soutiens extérieurs font que ce royaume s’écroule. Luigi Giafferi est alors exilé en juillet 1739 sous la contrainte armée du marquis de Maillebois. Il devient alors colonel d’infanterie à Naples où il y meurt le 4 août 1758. Carlo Giuseppe Guglielmo Botta dira de lui : « Le sort ne lui accorda qu’un étroit champ d’action, mais la nature le dota d’une grande force d’âme ».

 

1676 / Une colonie grecque s’établit en Corse

Environ sept-cents Grecs chassés par les Turcs trouvent refuge en Corse. Aidés par la République de Gênes, ils s’installent au nord du golfe de Sagone et fondent le village de Paomia (aujourd’hui en ruine près de Cargèse), dans une Pieve en déshérence à la suite des guerres du XVème siècle. Ils sont autorisés à conserver leurs rites religieux grecs et à édifier une église mais doivent reconnaître l’autorité pontificale. La pieve est réensemencée et cultivée.

En 1702, une extension de la colonie grecque est décidée aux dépends des Corses. En 1731 c’est au tour des Corses, spoliés de leurs lopins de terre lors de l’extension, de les chasser afin de récupérer leurs champs. Les Grecs se replient sur Ajaccio. En 1830, ils reviennent s’établir définitivement à Cargèse.

 

1694 et 1709 / Famines

Louis XIV est alors roi de France. En 1694 et 1709, deux famines font deux millions de morts (soit 10% de la population française de l'époque). Celle de 1694 est due à un été beaucoup trop pluvieux et celle de 1709 à un hiver glacial qui tue directement 100 000 personnes. Les températures restent sous les -10°C et les plus faibles ne survivent pas une semaine. Cette misère ne refreine pas la monarchie qui édicte en 1695 la « Capitation », un nouvel impôt direct. Sur le continent, les paysans écrasés par les taxes se voient saisir jusqu’aux tuiles de leur toit.