2B – Corscia, le Niolo, Calacuccia et son lac

Corscia

 

Corscia est l’un des plus vastes villages de Corse (6000 hectares) avec ses sept hameaux disséminés sur un large territoire de montagne. C’est un bourg typique niolin et c’est pour cette raison qu’il est sélectionné dans cet ouvrage, afin de découvrir agréablement le Centre Corse. Ainsi, en se positionnant à la chapelle Saint-Pancrace, on peut jouir d’un panorama magnifique qui embrasse les plus hautes montagnes de Corse (Monte Cinto, 2706 m) et la mythique route de la « Scala di Santa Regina ».

C’était un lieu d’une vie préhistorique intense, sécurisée par la proximité de positions dominantes ou défensives. L’emplacement de « Marze » en contrebas du plateau du village en atteste, composé d’une habitation circulaire fortifiée en pierres et de ses neuf terrasses (environ 6000 m²) qui datent du Néolithique ancien et de l'Age du Fer en Corse. Ce site, établit sur une éminence rocheuse, n’a pas nécessité un fort volume de pierres pour la construction de ses lignes de défense. Il servait de vigie et contrôlait les frontières du territoire sans en être au centre.

Ce fut aussi un village de bergers et de tradition pastorale avec ses quatorze bergeries. Pas seulement ! Assez méconnu est l’industrialisation de la région à la fin du XIXe siècle… En effet, la plus importante usine de production de résines en Corse était située dans le Niolo. La société « Chauton et Cie » exploitait à partir de 1862 les forêts d’Aïtone et de Valdoniello. Elle possédait des locomobiles[1] à vapeur, un atelier de distillation des matières premières et des fours à goudron. L’activité industrielle concernant le bois était pourvoyeuse de milliers d’emplois sur toute l’Île.

« Le val du Niolo, la plus belle chose que j'aie vue au monde après le Mont Saint-Michel ». Guy de Maupassant dans, « Le monastère de Corbara ». Que dire de plus pour que vous veniez le visiter ?

Le Niolo, « Niolu » en langue corse et étymologiquement « le pays sombre » à cause de ses denses forêts de pins, est indissociable du plus long fleuve de Corse, le Golo (90 km). C’est la microrégion des bergers et de la transhumance, longtemps enclavée entre la Scala di Santa Regina, citée dans cet ouvrage sous « XIXe / 1853 / Corscia – Scala Di Santa Régina (D84) » et le col de Vergio, également cité sous « XXe / 1984 / Albertacce – Col de Vergio – Statue du Christ Roi ». Cette Corse de l’intérieure, d’économie pastorale et agricole mais aussi touristique de nos jours, offre la possibilité d’innombrables et magnifiques randonnées pédestres vers le fascinant lac de Nino, autour du lac de Calacuccia ou à travers la forêt de Valdoniello. L’eau et la montagne sont partout présentes dans le Niolo. Il bénéficie d’un climat méditerranéen montagneux qui lui est propre.

Entre le 23 juin et le 31 juillet 1774, après la guerre d’indépendance, les Niolins entrèrent en insurrection armée contre les Français. Ils suivirent ainsi les préceptes politiques de Pascal Paoli. Thomas Cervoni en était l’instigateur. Mais les Niolins se retrouvèrent seuls car les autres régions ne les suivirent pas. Acculés à Francardo, ils se rendirent et furent incarcérés sur le continent, majoritairement à Toulon. Leurs maisons furent brûlées et leurs villages détruits. Le 23 juin 1774, onze Niolins âgés de 17 à 48 ans furent pendus. Le village de Corscia a payé un lourd tribut. Une stèle érigée devant le couvent de Calacuccia (bourg voisin) rappelle ce drame, ainsi qu’un monument en plat-cercle à Corscia (près de l’antenne de télévision).

La tradition orale veut que le berger Salvatore Costa, originaire de Corscia, ait chanté pour la première fois en Corse le 25 avril 1730, le « Diu vi Salvi Regina » qui deviendra l’hymne de la Corse indépendante en 1735. Il était alors poursuivi par les Génois.

 

En un siècle, comme pour de nombreux villages de montagne en Corse, Corscia a vu sa population fondre de plus de mille habitants ! En hiver, moins d’une centaine d’âmes le font vivre. C’est de nos jours un très beau village de montagne entouré des hauts monts de la chaîne du Cinto, dans le Parc naturel régional de Corse. Il fait bon y séjourner.

 

[1] Souvent tractées par des chevaux jusqu'à leurs destinations, les locomobiles étaient principalement utilisées dans l'agriculture au début du XXe siècle pour le battage et le labourage. Elles pouvaient être sédentaires ou mobiles. Lorsqu’elles roulaient, elles se déplaçaient à 4 km/h maximum.

 

Vous avez la possibilité (à vrai dire une des seules) de faire le plein à Calacuccia, située à cinq kilomètres. Ne pas hésiter si vous comptez vous balader un moment dans le Niolo car de routes en chemins, de découvertes en étonnements, de coins de baignade sous les ponts génois en sites grandioses, on accumule rapidement les kilomètres ici !

En ce qui concerne le ravitaillement, pas d’inquiétude. Les Niolins savent recevoir. Commerces, artisans, buvettes, bars et restaurants se trouveront sur votre route dans les villages (essentiellement en période estivale).

Niolo en 1737 du Capt. Vogt, cartographe. Pierre Bona (colorisation), travail personnel.

 

Attention : Sur certains GPS lorsque vous tapez « Piana » la destination qui s’affiche se trouve ici, à Corscia, dans le Niolo en Centre-Corse. Elle correspond à une placette communale et non à la ville de Piana située sur la côte ouest et connue internationalement. Vérifiez bien avant de suivre les indications de votre GPS ! Chaque année, une dizaine de vacanciers sont ainsi « détrompés » à leur arrivée par les habitants de Corscia (750m d’altitude) ...

 

Calacuccia

 

Calacuccia, capitale du Niolo, est entourée de parterres de châtaigniers.

Une de ses maisons date de 1560. Le couvent Saint-François remonte aux années 1600 et proposait antérieurement des chambres d’hôtes.

Le village est réputé pour avoir été au cœur des révoltes contre les Génois puis contre les Français.

En 1817 y nait Maria Felice, la « fiancée du Niolu ». Son frère, prêtre de son état, est assassiné. Elle demande alors que son fiancé le venge, ce qu’il refuse. Elle en mourut de tristesse. Prosper Mérimée nous transmis cette histoire en traduisant les paroles du « Voceru » que Maria improvisa en l’honneur de son frère (un « Voceru » est un chant traditionnel chanté à l’occasion d’un décès).

Calacuccia fait partie de nos jours du Parc Naturel Régional de Corse, dominé par les plus hauts sommets de l’Île. Le barrage EDF datant des années 1960 a transfiguré sa géographie et permet l’irrigation d’une grande partie de la Plaine Orientale de la Corse.

 

Lac de Calacuccia

 

Coordonnées GPS : Altitude (données GPS) : ± 800 m. 

42.329534, 9.022674 ou 42°19'46.3"N 9°01'21.6"E

 Adresse : D218B, 20224 Calacuccia. 

 

Ce lac artificiel est situé à 793 mètres d’altitude. Il est issu d’un barrage édifié sur le Golo qui relie la commune de Calacuccia et celle de Casamaccioli. Deux routes montagnardes le bordent (D218 et D218B) et en font le tour.

Le barrage et son lac ne sont pas des sites historiques. Mais vous qui aimez rouler dans des paysages idylliques, vous ne manquerez pas cette visite lors de vos virées en Centre-Corse.

Je propose de vous donner quelques précisions qui vous éviterons de devoir « fouiner sur le Web » pour savoir d’où provient ce lac magnifique. De plus, vos téléphones portables et Internet ne vous serviront pas à grand-chose, car ici, ça « passe » mal !

Il est tout à fait possible de faire le tour du lac à pied (7,5 km) car très peu de véhicules empruntent les routes le bordant. Les rives ne sont pas aménagées pour la baignade qui reste, pour le moment, interdite. En effet, de fortes amplitudes de niveau du lac sont fréquentes tout au long de l’année. Des activités nautiques sont tout de même proposées en été du type paddle, kayak et canoë.

Le lac est principalement alimenté par le Golo. C’est le plus long fleuve de Corse (90 km). Il peut retenir plus de 23 millions de mètres-cubes dont 15 millions prévus pour l’arrosage de la Plaine Orientale l’été !

Lac de Calacuccia (oct. 2017). Photo © Hélène Dolfi-Fiette.

Le barrage mesure 265 mètres de long sur 72 mètres de haut. Son édification, en 1968, visait bien entendu l’approvisionnement des usines hydroélectriques de Corscia et de Castirla en aval, mais également la régulation de l’irrigation des plaines de Marana et de Casinca, soit environ 13.000 hectares. D’autres installations participent à cette irrigation devenue vitale pour la Corse, la culture des agrumes réclamant beaucoup d’eau. Il s’agit des ouvrages d’Alezani, Alzitone, Peri et Teppe-Rosse.

La centrale électrique de Castirla est alimentée par les eaux du barrage de Calacuccia et de la centrale de Corscia. Située à 350 mètres d’altitude, elle produit 100 MWh par an.

L’usine électrique de Sovenzia est située sur la rive sud-est du lac, le long du rivage. Elle est alimentée par une conduite forcée provenant du Tavignano à 1092 mètres d’altitude.