Le Drapeau à tête de Maure

 

C’est une question qui revient très souvent : D’où vient l’emblème de la Corse, ce drapeau à tête de Maure ? Pour l’instant, cinq « explications » surnagent, relevant de la légende ou d’éléments historiques :

 

La « Bandera » moderne. Document Panzani20. Licence libre Creative Commons.

 

La première :

Durant des siècles de nombreuses peuplades, dont les Maures, abordent la Corse pour commettre des razzias et se fournir en esclaves. 

Les Corses les combattent avec acharnement. La légende veut que pour impressionner leurs envahisseurs et tenter de les dissuader, ils les décapitent et prennent une "tête de Maure" pour effigie. Même si cette fable possède peut-être quelques accents de vérité, ça n’a malheureusement pas fait montre d’une réelle efficacité car il faudra attendre les Pisans et les Génois, plus nombreux, mieux organisés et mieux armés pour refouler les Maures.  

 

La deuxième :

Un autre récit légendaire propose qu’au XIIIème siècle, une jeune Corse fut enlevée par les pirates mauresques et revendue au roi de Grenade. Son courageux fiancé allât la sauver. Il retourna en Corse avec elle, et la tête d’un Maure fichée sur une pique. Ce dernier était un envoyé du roi et se prénommait Mansour. D’où la tête de Maure sur le drapeau corse... Légende romantique, mais un peu trop sanguinolente ! 

 

La troisième :

Vers l’an 1300, la Corse et la Sardaigne sont gérées par le roi d’Aragon (Espagne). Ses armoiries supportent quatre têtes de Maures, symbolisant la reconquête de l’Espagne chrétienne sur les musulmans. Cette tête de Maure « aragonaise » aurait été reprise par les Corses comme emblème. Mais la tête aragonaise a toujours eu le bandeau sur le front alors que la tête corse l’a porté un long moment sur les yeux… Il semblerait donc que cette troisième hypothèse ne soit pas la bonne. 

 

Exemples d'armoiries aragonaises. Illustrations Odejea, Wikimedia, licences libres Creative Commons.

 

La quatrième :

Elle paraît plus « naturelle » que les autres versions. En effet, la tête représentée sur le drapeau corse serait la caricature d’un Corse portant sur le front un « tortil ». Ce morceau d’étoffe noué autour de la tête servait aux pirates à éviter que la sueur et les embruns ne coulent dans leurs yeux. Le Corse représenté serait donc un corsaire ou un pirate. Les premières têtes de Maure corses connues datant de la fin de XIVe et début du XVe siècles étaient ainsi dessinés.

Cicéron et Sénèque écrivaient en leur temps que les Sardes appelaient les Corses des « Corsi », soit, des corsaires.  L’Île semblait être alors considérée comme une terre de corsaires.

 

La cinquième :

Saint-Maurice, Nubien mat de peau et aux cheveux crêpus, tombait en martyr chrétien copte tué par les Romains en l’an 303, à Trèves en Allemagne. Saint-Maurice était l’un des chefs de la légion thébaine romaine (primicerius, soit colonel) comprenant des chrétiens (300 sur 10.000). Ils n’ont jamais renié leur foi et furent sacrifiés à Mars et Jupiter pour permettre aux armées de l’empereur Dioclétien de vaincre leurs ennemis en Suisse. Ennemis d’ailleurs fraîchement christianisés eux-mêmes. La légion avait été antérieurement levée en Égypte et combattait les barbares près du Rhin. Ces soldats chrétiens de la légion thébaine furent décapités, les yeux bandés. La tête du Saint devint un symbole dans les contrées alpines qui en reprirent les traits sur leurs armoiries. Il fut vénéré dès 393 en Suisse. 

En 1032, le canton du Valais fut intégré au Saint Empire Germanique. Des nobles du Cap-Corse, les Gentile, s’y rallièrent en prenant pour armoiries celles des comtes de Genève. Au XVIe siècle, le symbole continua à étendre son domaine géographique. Par exemple, la famille anoblie des Savoie, les Favre de La Valbonne avait pour blason « Porte D'argent, au chevron d'azur, accompagné de trois têtes de Maure tortillées d'argent ». 

En 1736 les emblèmes de Théodore de Neuhoff, roi élu par les Corses et d’origine germanique, comportaient une tête de Maure bandeau sur les yeux, celle de Saint-Maurice. C’est elle qui perdurerait de nos jours. Le drapeau corse serait donc d’origine allemande ! 

En 1745 la « Bandera » à tête de Maure, bandeau sur les yeux, apparue pour la première fois à Bastia lors d’une attaque britannique.

Pascal Paoli décida lors d’une « Consulte » en 1762 de relever le bandeau sur le front. Il s’agissait pour lui de changer de symbole en signifiant que dorénavant la Corse verrait clair. 

Cette cinquième hypothèse paraît l’emporter pour le moment. Il est plausible que d’autres possibilités historiques voient le jour dans les années qui viennent, ce qui fait tout le charme de la « Bandera » !

Théodore de Neuhoff et l’emblème de la "Tête de Maure", les yeux bandés.

Wikimedia Commons, document domaine public.

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