Les confréries
Les confréries, associations dont les statuts sont approuvés par l’autorité canonique, apparaissent en Italie au XIIIème siècle (laïques mais reconnues par l’église) puis au XVème en Corse. Les autorités ecclésiastiques ne leur imposent aucun cadre spécifique. Au XVIIIe siècle, elles sont très nombreuses et influentes sur l’Île et accompagnent la liturgie. Elles vivent des cotisations des frères, de dons et des paiements de leurs services (obsèques principalement). Elles prêtent parfois de l’argent sans intérêt à des confrères dans le besoin car leur comptabilité est libre et parviennent à régler des conflits commerciaux ou de baux.
En 1792, elles sont interdites en France. Puis en 1801 avec la signature du concordat entre l’État et le pape ces structures renaissent avec vigueur. Elles s’effacent de nouveau après la 1ère Guerre Mondiale, saignées à blanc, et réémergent après la 2ème en se modernisant jusqu’à nos jours. Certaines sont mixtes.
Elles visaient à tenter d’adoucir les affres des époques d’incertitudes et souvent de souffrance qui les ont vus naître et étaient des soutiens lors des famines et des pandémies. Les frères jouaient alors un rôle social indéniable et irremplaçable qui perdure encore aujourd’hui. Le Concile de Trente et les temps modernes ont permis, par le texte, d’affirmer le religieux des confréries de tradition franciscaine.
« Nourrir ceux qui ont faim, abreuver ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, visiter les malades et les prisonniers, accueillir les étrangers », voici le vaste « programme » des devoirs qui étaient acceptés par les frères, sans parler des messes mortuaires lorsque le clergé n’arrivait plus à suivre le nombre des décès ! Partenaires de l’église, les confréries devaient disposer d’un oratoire (en réalité souvent une véritable chapelle) pour pouvoir exister et agir.
Certaines sont allés jusqu’à fonder des hôpitaux, comme la confrérie de l’oratoire Saint-Jean-Baptiste à Ajaccio qui est à l’origine de l’hôpital de la Miséricorde. D’autres correspondaient spécifiquement à des métiers telle que celle des « Bombardiers et Canonniers » de Bastia, ou à une tranche d’âge comme la confrérie des écoliers ou celle des adolescents de Saint-Roch (à Bastia également). Il existait même des confréries de prêtres.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, elles ont commandé aux grands maîtres baroques italiens des statues et tableaux, contribuant ainsi au patrimoine religieux corse.
En général, de bonnes relations régnaient entre frères. Mais des dissentions existaient parfois jusqu’à provoquer des bagarres mémorables, telle celle de 1588 ayant opposé les membres de la confrérie de la Sainte-Croix à Bastia. Génois et Corses s’en disputaient alors les titres honorifiques. Les insultes fusaient et les coups pleuvaient jusqu’à provoquer de graves blessures. La confrérie se scinda alors. Ainsi naquirent les confréries de Saint-Roch et de l’Immaculée Conception, majoritairement corses. Elles avaient pour but d’effacer la génoise Sainte-Croix (en vain). La course au plus bel oratoire fit rage durant les décennies suivantes. Lors des processions à Bastia, des luttes inter-confréries surgirent pour des questions de préséances. Tant et si bien qu’en 1744 le gouverneur Pier Maria Giustiniani imposa la présence de 25 soldats par procession et par confrérie ! De moindres incidents perdurèrent jusqu’au XIXe siècle…
De nos jours environ 100 confréries existent dans l’Île de Beauté, profondément ancrées dans la culture insulaire, fortes de 4000 frères (pour 50 prêtres) et nous assistons à un renouveau soutenu. Les deux-tiers sont actives en Haute-Corse. Elles contribuent fortement à endiguer la désagrégation du tissu social, surtout dans le rural, et font partie intégrante de l’identité corse en soulignant les particularismes des villages et des quartiers. Les confréries sont ici de puissants vecteurs mémoriels transmettant les traditions dont l’élan est unique en France.