XIIe / Bonifacio – Citadelle

 

Bonifacio – Citadelle (juin 2023). Photos © François Fiette.

 

Coordonnées GPS : Altitude (données GPS) : ± 60 m. 

41.387132, 9.154953 ou 41°23'13.7"N 9°09'17.8"E

Adresse : Citadelle de Bonifacio, 20169 Bonifacio. Inscrit/Classé Monument Historique : Oui.

 

Le site

Bonifacio, ville exceptionnelle et incontournable, possède le label « Ville d’Art et d’Histoire » depuis 2019. La ville haute est un monde à part qui offre à la découverte ses rues médiévales, protégées par des murailles impressionnantes. Des visites guidées de la ville sont possibles, ainsi que des chasses-au-trésor pour les enfants. Se renseigner à l’Office du Tourisme, sis, 02, rue Fred Scamaroni, car les horaires sont changeants d’une année à l’autre. Prévoir également une excursion en mer ! Voir, si besoin, « Le stationnement à Bonifacio ».

 

Un peu d’histoire

La cité assurait la grande partie du contrôle des bouches de Bonifacio. C’était là sa mission première. Mais son histoire est plus bien complexe et ne peut se résumer ainsi. Elle est entièrement liée à celle de la Corse en général.

« Bastion de l’Étendard ». Photo © François Fiette (juin 2023).

En 774, Charlemagne devenu roi des Lombards, livre la Corse au souverain pontife Etienne II qui la revendique de la donation de Constantin 1er. Donation opportunément présentée à Charlemagne par le pape, alors que fausse ! La papauté désire disposer d’un large espace pontifical, si possible gagné et édifié par les autres…

L’origine de la ville n’est pas connue précisément. Elle devrait son nom actuel à Boniface II, comte de Lucques puis de Corse et marquis de Toscane, qui fit construire aux alentours de l’an 828 un édifice fortifié sur le haut plateau calcaire. Sa fonction était de s’opposer aux incursions sarrasines débutées en 704.

Les papes successifs renforcent dans l’île le poids de l’église qui la gère administrativement et religieusement. Pisans et Corses se liguent en 1114 pour vaincre les Sarrasins. Ils remportent une victoire qui permet une assise encore plus importante des Pisans qui contrôlent déjà le commerce.

Mais les Génois et le royaume d’Aragon se tiennent prêts à guerroyer pour s’assurer de la Corse, et les remparts pisans de Bonifacio auront bientôt à résister à leurs assauts.

Les Génois d’abord en 1187 s’emparent de la ville… Mais en 1195, les Pisans la reprennent. Peu après, les Génois chassent à nouveau toute la population pisane de la ville. Pise perd définitivement Bonifacio et toute la Corse au bénéfice des Génois lors de sa défaite à la bataille de la Meloria en 1284. Elle perd également la Sardaigne. Pour Bonifacio, la guerre entre Pisans et Génois est le régime naturel au XIIIe siècle, hormis deux périodes de répit. Chaque changement de pouvoir se solde par des centaines de morts.

Les Aragonais s’en mêlent ensuite. Il ne manquait en effet plus qu’eux pour compléter ce tableau guerrier… En 1295, le pape Boniface VIII permet au roi Jacques II d'Aragon la conquête de la Corse et de la Sardaigne contre l’abandon de ses prétentions sur la Sicile. Jacques II d'Aragon s’allie à la noblesse corse pour parvenir à ses fins à moindre coûts humains et pécuniers. La ville de Biguglia devient alors la capitale de la Corse. Les Bonifaciens, alliés aux Sardes, subissent les assauts des Aragonais. Ils résistent en 1344.

L’emplacement stratégique de Bonifacio continue alors à aiguiser les passions. En 1420, Alphonse V d’Aragon veut s’emparer de la ville afin de contrer les Génois. Un siège de deux mois, théâtre de combats terribles, voit la victoire des Bonifaciens avec l’appui d’une flotte génoise arrivée en renfort in-extremis. Gênes se réapproprie la Corse par étapes et Vincentello d'Istria, vice-roi de Corse de 1421 à 1434 installé par les Aragonais, est décapité par les Génois.

Gênes recouvre la souveraineté totale de la Corse en 1435, mais la noblesse corse reste turbulente et difficilement gérable.

La République de Gênes cède l’administration de l’Île à l’Office de Saint-Georges en 1453. Cet office « multifonctions » la gère avec efficacité. Mais Gênes doit s’allier avec la France et se place sous sa protection de 1458 à 1461. En 1478-1480, l’Office de Saint-Georges possède des bases à Bonifacio et à Calvi. Il renforce encore les fortifications de la ville.

En 1528 la peste tue un très grand nombre de Bonifaciens. Seuls 800 habitants survivent sur environ 3000…

Au XVIe siècle, la France s’allie un moment avec les Turcs et des troupes corses contre les Génois. Le terrible pirate turc Dragut et sa flotte sont enrôlés et combattent du même côté que Sampiero Corso ! En 1553, Bonifacio subit une nouvelle fois un siège par les troupes du roi de France Henri II, menées par le maréchal de Termes. La ville se rend après dix-huit jours de combats et après avoir résisté à 5700 boulets turcs. Pourquoi ? À cause d’une trahison… Celle du Sieur Dominique Cattaciolo qui revient de Gênes avec quinze mille écus devant servir à soutenir la résistance de la ville face à ses ennemis. Mais voilà, Cattaciolo est fait prisonnier par les assiégeurs et retourne sa veste. Il se présente alors aux Bonifaciens en exhibant une fausse lettre stipulant la défection de la République de Gênes. Les habitants se résignent alors à capituler. Ils ont majoritairement la vie sauve mais les Turcs massacrent la garnison, malgré leur parole donnée de l’épargner. La ville n’est remise qu’aux seuls Français. Le roi de France, Henri II, remporte donc une victoire sur l'empereur Charles Quint.

Plan de Bonifacio en 1764, réalisé par Jacques-Nicolas Bellin.

Domaine Public.

Les Français renforceront par la suite les remparts de la ville. Ce sont principalement ces remparts que nous arpentons de nos jours.

En l’an 1559, retournement de situation : Le traité de Cateau-Cambrésis impose aux Français de restituer leurs possessions à la République de Gênes !

Tout ça pour ça…

Gênes réadministre alors la Corse. L’Office de Saint-Georges (toujours lui) s’en charge en son nom dès 1562.

Des bastions sont ajoutés aux remparts existants de la ville. De nouvelles fortifications basses protègent les remparts massifs plus élevés. Le XVIIe siècle voit le renforcement constant des défenses de Bonifacio. Au XVIIIe siècle une caserne génoise est construite.

Le « Bastion de l’Étendard » reste la partie majeure des fortifications. Son rôle est de défendre le port et la route du col Saint-Roch, intégré aux remparts de 2,5 kilomètres de long. Son architecture est assez surprenante. En effet, il est composé de deux immenses murs d’enceinte contenant entre eux des centaines de tonnes de terre ayant pour fonction de figer les boulets des assaillants et ainsi d’annihiler l’effet des bombardements directs ! Les salles souterraines du « Bastion de l’Étendard » accueillent une exposition dédiée aux fortifications de Bonifacio.

La France reprend possession de la ville en 1769 par suite de la défaite des troupes corses à la bataille de Ponte-Novo. 

En 1848, un mur est élevé dans le but de séparer les militaires de la population jugée potentiellement hostile.

Le XIXe siècle est assez difficile pour Bonifacio. L’agriculture et la pêche du corail y sont, au début, florissantes et laissent entrevoir des lendemains apaisés. Mais le phylloxéra balaie tous les espoirs. Puis vient la Première Guerre Mondiale. Bonifacio est alors ville de garnison, ce qui lui permet de se maintenir à flot.

En 1936, des canons sont basés à la pointe de la ville pour s’adapter à la réorganisation défensive de la Corse.

Bonifacio est de nos jours le 3ème port commercial de l’île après Bastia et Ajaccio. Des centaines de milliers de visiteurs parcourent son centre historique chaque année (serait-ce donc que l’Histoire intéresse et attire encore ?). La municipalité a su s’adapter avec maestria aux flux touristiques.

Lors de vos balades dans cette ville, vous rencontrerez peut-être une des cent-cinquante personnes parlant encore le bonifacien, une langue d’origine ligure différente de la langue corse.

La partie occidentale des remparts de la citadelle, plus de sept cents mètres, est rénovée entre 2021 et 2023 (environ cinq millions d’Euros investis). Une nouvelle signalétique est implantée. Les travaux sont supervisés par l’architecte en chef des Monuments Historiques, Pierre-Antoine Gatier. 

La citadelle, propriété publique, est classée Monument Historique depuis 1929. La ville de Bonifacio représente, à elle seule, 10 % du patrimoine inscrit ou classé de la Corse.